Auchan, maître d’ouvrage du projet EuropaCity présente son projet comme vertueux énergétiquement, annonçant sans vergogne, “100 % des besoins en énergie produits sur place, avec un recours massif aux énergies renouvelables“.
Pourtant, à y regarder des plus près dans les différents documents fournis et état de l’art des pratiques, on est loin, très loin du compte …
De très, très importants besoins en énergie
Depuis le premier janvier 2008, les maîtres d’ouvrage ont l’obligation d’étudier les possibilités d’approvisionnement en énergie des bâtiments. Cette contrainte réglementaire a pour objectif de diminuer les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments. Les consommations prises en compte dans l’étude l’approvisionnement en énergie correspondent la consommation conventionnelle énergétique, à savoir celle nécessaire pour le chauffage, la ventilation, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire et l’éclairage. En savoir plus
La consommation énergétique totale d’EuropaCity : 160,2 Gwh/an
L’avis de l’autorité environnementale portant sur la ZAC précise en page 24 :
“Ce volet de l’étude d’impact est particulièrement développé : il distingue les différents types d’énergie nécessaire (chaleur haute et basse température, froid, électricité), conduisant à une consommation totale de 267,2 GWh/an, dont 160,2 Gwh/an pour EuropaCity, 57 GWh/an pour les bureaux et 39,8 Gwh/an pour des “activités technologiques.
Source : SYNTHESE DE L’ETUDE DE FAISABILITE D’APPROVISIONNEMENT
EN ENERGIES RENOUVELABLES- Niveau de base
LesEnR, pour l’EPA Plaine de France
L’équivalent d’une ville entre Gonesse et Drancy en nombre d’habitants
Nous avons comparé cette consommation à celle de logements, sachant qu’ EuropaCity n’abritera justement aucun logement. Nous nous sommes basés sur des consommations moyennes de logements dits “passifs” et dits “conventionnels”.
La consommation maximale d’un logement “passif” est de 120 kWh/m²/an tout usage confondu, soit 80 kWh/m²/an sur les usages conventionnels (Source La maison passive). Celle d’un logement standard (en immeuble collectif ancien, moyennement à mal isolé) est d’environ 300 kWh/m²/an (Source Ecoville).
En Seine-Saint-Denis, la surface moyenne par habitant est de 27,3 m² et dans le Val-d’Oise de 31,6 m² (Source Insee).
On obtient donc la comparaison en nombre d’habitants suivantes :
Seine-Saint-Denis | Val-d’Oise | |
Logement “Passif” | 73 352 habitants | 63 370 habitants |
Logement “Standard” | 19 560 habitants | 16 899 habitants |
Pour donner un ordre d’idée en 2013, Gonesse comptait 26 310 habitants et Drancy 69 400 habitants.
L’alimentation en énergie d’EuropaCity, beaucoup d’ambitions, peu de réalisme
Le maître d’ouvrage, Auchan, se présente en affichage comme très ambitieux en termes de production d’énergie.
“Les hypothèses de base, d’un scénario “au fil de l’eau”, sont : 70 % de bâtiments “passifs” énergétiquement et l’équipement de 15 % des toitures par des panneaux photovoltaïques non réfléchissants – pour une production de 37 GWh/an d’électricité.”
L’ambition serait donc de couvrir le quart de l’ensemble des besoins énergétiques totaux ou le tiers des besoin en électricité en énergie solaire.
A y regarder de plus près, tout n’est pas si rose, ou vert …
Un potentiel de panneaux photovoltaïques surestimé
Le dossier du maître d’ouvrage, en page 45, mentionne trois scénarios d’approvisionnement en énergie se basant notamment sur “des panneaux placés en toiture et au niveau du bassin d’orage, sur une surface de plus de 13 hectares au total (dont 11 hectares en toiture et 2 hectares au-dessus des bassins de rétention).”
Est-ce réaliste ?
50.000m² de panneaux solaires sont déjà déployés dans tous les arrondissements et 100.000 m² de surfaces potentielles de panneaux solaires ont été identifiées par la Ville de Paris. (Source Ville de Paris).
Le potentiel solaire parisien estimé à 2020 est de 644 installations thermiques, 444 installations photovoltaïques pour une production globale évaluée à 77,5 GWh. (Source Ademe).
EuropaCity prétend donc produire quasiment la moitié de la production énergétique envisagée à terme par la totalité de la Ville de Paris sur “seulement” 130 000 m². On peut émettre quelques doutes.
A l’échelle de la France métropolitaine, l’irradiation globale horizontale annuelle varie de 1100 kWh/m² dans le nord à près de 1700 kWh/m² dans le sud. En 2016, les rendements moyens constatés en Île-de-France avoisinent les 120 kWh/m² (Source association bdvp), ce qui en l’état de l’art actuel, et au vu de l’ensoleillement en Île-de-France, équivaudrait plutôt à 15,6 GWh/an et non 37 GW/an comme annoncé par le maître d’ouvrage. Même avec une augmentation des rendements, cela semble difficilement réalisable.
Un recours à la géothermie dangereux pour les réserves en eau potable
Le dossier du maître d’ouvrage mentionne : “Pour répondre aux variations saisonnières des besoins en énergie, il est prévu de recourir à des solutions innovantes telles que le stockage géothermique, associé à une gestion intelligente des réseaux de chaud et de froid.”
La réponse de l’autorité environnementale en page 25 est sans appel :
“L’analyse du potentiel de production d’énergies renouvelables met en évidence que plus de 400 % de la chaleur nécessaire pourrait être produite localement (géothermie, essentiellement). Néanmoins, une part importante de ce potentiel nécessiterait la réalisation de forages profonds dans la nappe du Dogger, au risque de mettre en communication plusieurs nappes intermédiaires, dont la nappe des sables de Beauchamp polluée par les hydrocarbures, la nappe du Lutétien polluée par des composés organiques halogénés volatils (trichloréthylène) et enfin la nappe de l’Yprésien que le SDAGE Seine-Normandie identifie comme un réservoir d’eau potable non encore affecté par la pollution de surface. Sur ce point, le préfet du Val d’Oise signale comme un point de vigilance l’implantation et le choix de profondeur du forage pour l’utilisation de la géothermie, au regard des risques sanitaires encourus.”
La méthanisation des déchets organiques … vaporeuse
Trois scénarios sont envisagés en page 63 du dossier du maître d’ouvrage dont celui de la méthanisation :
“Le troisième scénario privilégie la production d’électricité tout en couvrant les besoins de chaleur du site. Il repose sur la méthanisation des déchets organiques — génératrice de biogaz — et la combustion de bois issu de forêts locales, associées à des unités de cogénération de chaleur et d’électricité.”
A ce sujet, l’autorité environnementale souligne :
” Même dans le scénario A, certaines installations sont mentionnées (production de chaleur à partir de bois-énergie ou de méthanisation de déchets fermentescibles) sans localisation précise, sans garantie quant à la sécurisation de leur approvisionnement ni prise en compte des conséquences de leurs rejets atmosphériques au sein de la ZAC.”
On se demande par ailleurs, d’où viendra le bois des forêts locales, à la vitesse où ces dernières sont détruites au profit de l’urbanisation galopante.
En conclusion, ZAC et EuropaCity, mariage hasardeux en termes énergétique ?
La propre étude sur les énergies renouvelables commanditée par l’EPA Plaine de France précise :
“les différentes stratégies EuropaCity intègrent une production électrique dite « énergies renouvelables », qui n’est pas détaillée. Cette production s’ajoute à l’ensemble des solutions détaillées dans chaque stratégie (cogénération bois, cogénération biogaz, PV, géothermie …). Il s’agit donc d’une production non identifiée à l’heure actuelle. Le poids de cette production est non négligeable : elle représente entre 7,4 % et 25,5 % de la consommation totale. C’est-à-dire que sans celle-ci, le taux d’EnR global ne serait plus compris entre 76 % et 85 % mais entre 54,4 % et 73,4 %.”
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