DÉBAT PUBLIC ET DÉMOCRATIE MODERNE

LA QUESTION N’EST PAS NOUVELLE.

La circulaire Bianco du 15 décembre 1992 (NOR: EQUR9210176C) posait déjà la question de la contestation des projets du fait de l’absence de participation des citoyens ; il y était précisé dès le début :
“Les compléments importants apportés pour la protection de l’environnement naturel par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, et pour la généralisation des enquêtes publiques par la loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 n’ont pas pour objet et ne permettent donc pas de répondre suffisamment aux questions posées quant à leur intérêt économique et social, ni quant à leur impact en matière d’aménagement du territoire …
Ces insuffisances conduisent souvent à la mise en cause de la légitimité des projets et de toute déci-sion de réalisation quelle qu’elle soit.”
L’Instruction-Cadre du 25 mars 2004 du Ministre de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer, Gilles de Robien précisait :
“Il n’est plus de projet qui ne provoque des débats, voire des controverses, souvent longs, auxquels participent les élus, les associations et les citoyens. Ils ont parfois tendance à occulter le travail d’évaluation, au point de donner l’impression que celui-ci n’est qu’un exercice de style interne à l’administration, alors que la décision se fait ailleurs.”
La participation en matière de projet ne peut s’entendre sans information loyale de chaque citoyen. Cette information loyale de chaque citoyen ne peut s’entendre sans évaluation socio-économique rigoureuse et claire. Sur ces bases, la participation démocratique ne peut s’entendre sans le respect du droit de chaque citoyen à débattre.
Ainsi, comme nous le déclarions devant la commission spécialisée du Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) présidée par le Sénateur Alain Richard, chargée après la mort de Rémi Fraisse de proposer des pistes de rénovation du débat public, le 14 mars 2015, le respect des textes existants permettrait de clarifier bien des doutes et limiter notre défiance. La circulaire Bianco en dit déjà énormément :
“Une première phase de débat sur les grandes fonctions de l’infrastructure envisagée doit être orga-nisée dès la conception du projet … Cette phase permettra aux élus, aux forces sociales, écono-miques, associatives, à chaque citoyen de s’informer et de débattre des enjeux économiques, so-ciaux, environnementaux du projet. Elle doit préciser les interrogations et les divergences.”

La question de la participation des citoyens et de la démocratie participative n’est donc pas nouvelle.
Elle a plus de vingt ans et nul ne peut plus ignorer que pour débattre loyalement des projets proposés par les opérateurs privés ou publics, il convient de débattre auparavant des besoins évalués démocratiquement du point de vue de l’intérêt général et non seulement à l’aune de l’opportunité économique de ces projets et de leur rentabilité financière pour leurs promoteurs.

UNE PLATE-FORME DE 20 PROPOSITIONS ET 3 RÈGLES D’OR pour un changement de pratiques en matière de concertation et de débat public – Paris 14 mars 2015

Installée le 19 février 2015 par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, la Commission spécialisée du Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) présidée par le sénateur Alain Richard et chargée, après la mort de Rémi Fraisse, d’élaborer des propositions pour favoriser la «démocratie participative» et la rénovation du débat public a reçu, le 14 mars 2015 au Ministère de l’Écologie, 13 représentants des principaux mouvements d’opposition aux GPII (grands projets inutiles imposés).
Les représentants des GPII ont pointé les défaillances des procédures dans chacun des dossiers en cause et démontré comment des pratiques contestables aboutissent à des situations de blocage et de désespérance. La plate-forme présentée est le fruit d’un travail commun débuté en juillet 2014 sur le site de Notre Dame des Landes.

  • “L’enjeu est d’arriver à une véritable transparence et une loyauté avec le public sans alourdir les procédures, alors qu’aujourd’hui c’est la défiance qui l’emporte”, a déclaré Françoise Verchère (Projet Notre Dame des Landes)
  • “Les projets doivent répondre à des besoins ou être des opportunités pour la collectivité, ce qui sup-pose qu’avant de les imaginer, soit réalisé un état des lieux contradictoire auquel chaque citoyen pourra participer, et non pas des études qui les justifient a posteriori”, insistait Daniel Ibanez à sa sortie (Projet Lyon Turin).
  • “Les conflits d’intérêts, les collusions doivent être sanctionnés car ils n’ont pas leur place dans une société démocratique. Ceux qui les couvrent doivent en répondre”, déclarait pour sa part Martine Bouchet (Projet LGV Bordeaux-Espagne)
  • “Il faut nous doter de moyens légaux (comme dans les CHSCT), en nous allouant les budgets néces-saires à la mise en œuvre d’expertises contradictoires, nous qui ne sommes que bénévoles”, proposait Jean-Pierre Chauffier (Défense de la ligne POLLT).
  • “Les intimidations des opposants, les procédures judiciaires à leur encontre et les pressions sur les élus ne sont pas dignes de ceux qui ont la responsabilité du droit à la liberté d’expression”, a poursuivi Corinne François (Projet CIGEO/Bure)
  • “Le Ministère de l’Environnement pourrait avoir la même exigence et la même autorité que le Ministère des Finances pour se doter d’outils permettant un suivi rigoureux par les citoyens de tous les grands projets autorisés et apprécier a posteriori et dans la durée leur impact sur l’environnement” suggérait encore Claude Loup (Projet EuropaCity).

La qualité du travail présenté en commun a été reconnue par le président et de nombreux membres de la Commission Spécialisée du CNTE qui ont semblé très attentifs à nos propositions et, entre autres, à l’inquiétude du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) qui a souligné combien le mal-vivre et la désespérance dans les villes de la banlieue résultaient grandement de la fermeture des commerces de centre-ville consécutive à la multiplication à leur périphérie de zones commerciales destructrices de terres agricoles précieuses pour le climat, la qualité de l’air et la biodiversité.

Au Ministère de l'Ecologie 14.03.2015

La liste des participants à l’audition : Patrice Canal (Sivens), Corinne François (Cigeo/Bure), Stéphane Peron (Roybon), Martine Bouchet (CADE, LGV Bordeaux-Espagne), Jean-Luc Léger (Non à l’autoroute, contournement Rouen ), Bernard Lembeye (ACTIVAL), Claude Loup (EuropaCity), Jean-Pierre Chauffier (LGV Limoges-Poitiers), Francis Chastagner (Mille Vaches), Julien Milanesi (A65), Daniel Ibanez et Raymond Avrillier (Lyon-Turin) Françoise Verchère (NDDL)

Publié le 22 février 2016 par Claude LOUP

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