Mirapolis ou la chute du géant
Mira(ge)polis….Le rêve brisé!… et ses points communs avec EuropaCity
En 1987, le premier grand parc d’attractions français ouvrait à Courdimanche, près de Cergy dans le Val d’Oise, Mirapolis. Quatre ans après, en 1991, il était fermé. Aujourd’hui se sont des friches …
Le premier point commun entre Mirapolis et EuropaCity, c’est LA DÉMESURE

Main du géant Gargantua qui lorsque cette horreur a été édifiée, avait suscité les cocoricos en comparant la taille de cette statue à celle de la Liberté de New York (Bartoldi et Eiffel apprécieront – du haut du ciel !).
L’autre main avait été assez rapidement cassée quand la statue était encore debout et pendait lamentablement pendant une dizaine d’années. Et comme c’était sur le sommet du plateau du Vexin, ça se voyait de partout, c’était horrible.
On cite des chiffres mirifiques :
Premier parc de loisirs…
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Une statue de 38 tonnes, 30 mètres de haut, la statue la plus haute après la Liberté de New-York (!), etc…
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36 attractions
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Un « immense chantier » de 400 à 500 personnes…
Nous sommes dans le gigantisme, rien n’est trop grand ni trop beau… Le personnage de Gargantua lui-même est à l’image de cette démesure (on va visiter son gros ventre avec un funiculaire… )
Faire du grand, du gros, du gigantesque, c’est la réponse au risque (d’échec, de concurrence… ) c’est aussi la stratégie d’Immochan 25 ans plus tard.
Le deuxième point commun : nous sommes dans le rêve, LA CONCURRENCE n’existe pas

Les caisses à l’entrée.
Aucune analyse du futur, on vit dans le court terme. Nous sommes en 1987, comme le dit la commentatrice à la fermeture « on était en pleine folie de l’industrie des loisirs en France ».
Le Directeur de Mirapolis réduit la concurrence à un simple stimulant et il s’illusionne :
« Quand Disneyland ouvrira, nous aurons 5 ans, peut-être que Disney ne pourra pas faire nos prix ! » Comme Mirapolis est le premier parc ouvert en France, forcément ça va marcher, forcément il va grossir. Sa taille sera sa garantie de pérennité. (Pourtant, jadis, les diplodocus n’ont pas survécu pour cause de gigantisme…)
Le personnage joyeux de Carlos (qui ressemble beaucoup à Gargantua) les paroles des chansons montrent l’insouciance, la légèreté : le bonheur, s’amuser, jouer, vivre le moment présent…
« Partez tous dans le rêve, vous n’en reviendrez pas ! » conseille Carlos…
On pose une question au Directeur de Mirapolis : « N’y -a-t-il pas un problème de moyens pour les familles ?? »
Rien de grave, visiblement, là aussi c’est magique : les porte-monnaie sont certainement élastiques. C’est sans doute aussi le même raisonnement pour EuropaCity, les projets se multiplient et on ne s’interroge pas une seconde sur « peut-on faire coexister plusieurs coqs dans la même basse-cour ? » Si les gens vont à EuropaCity, iront-ils à Disney ? Aucune analyse des possibilités financières du « français moyen ».
3ème point commun, l’ALIBI CULTUREL

Le site des “inventions de Léonard de Vinci” qui se voulait un pôle éminemment culturel. Cela a été rajouté en cours de route pour empêcher le plongeon et ça l’a au contraire précipité.
C’est la culture qui est l’argument avancé pour vendre du loisirs et du commerce. Mirapolis présente les œuvres
littéraires de Rabelais, les « inventions de Léonard de Vinci »… Mais c’est avant tout une machine à consommer des attractions ( cf le grand 8…, le train fantôme )
Europa city se veut le « grand pôle culturel de Paris Nord » (c’est exactement le même discours pour EuropaCity : « le grand pôle culturel qui manquait à la banlieue Nord », même si on se rend compte qu’il s’agit d’un concept de centre commercial retoiletté). Et il ne faut pas oublier que la cité du cinéma de Besson qui a ouvert ses portes en mai 2012, avec une surface de 62 000 m2 dans le quartier de Pleyel de Saint-Denis.
4ème point commun : la SURESTIMATION des résultats
Il était prévu 2 millions ½ de visiteurs par an à Mirapolis, il y en a eu 400 000. Mirapolis était supposé révolutionner les mœurs ludiques des français ! On est dans le royaume de l’illusion !
Pour EuropaCity, on cite également des chiffres inatteignables : 30 millions de visiteurs, ce qui est l’équivalent du Forum des Halles, situé en plein cœur de Paris, premier centre commercial d’Europe.
Ce qui est 2 fois ½ Disneyland Paris, première destination touristique d’Europe : 15, 4 millions en 2009 ; 15 millions en 2010 (en baisse) et 15,6 millions en 2010.
Mirapolis est déficitaire : est cité dans la vidéo sur le site du CPTG le chiffre de 350 millions de pertes. On parle de « 4 ans de fonctionnement chaotique. » Et on ne peut même pas attribuer cet échec à une concurrence quelconque : le parc EuroDisney n’était pas ouvert.

Mirapolis
Disneyland Paris, c’est également une perte nette pour le parc d’attractions : -63 millions d’euros en 2009, -45 millions en 2010 et -64 millions en 2011… Déficit compensé partiellement par la vente de ce qu’on appelle « les périphériques » (vidéos, disques, costumes de Mickey, tee-shirts, films, journaux… ) Et surtout par la spéculation immobilière.
Marcel CAMPION, qui dirige le collectif de forains qui a tenté la reprise de Mirapolis pendant un an, avoue que l’ « espace était surdimensionné, il s’agissait d’un parc régional, on l’a conçu comme un parc européen… » A méditer : le distingo parc régional /parc européen !
On peut s’interroger pour Europa city sur son ambition internationale, y compris vis-à-vis des pays émergents. EuroDisney, le plus européen des sites a reçu en 2011 = 49% de visiteurs français, 13% de Royaume-uni, 12% Bénélux, 9% d’Espagne, 4% d’Italie, 2% d’Allemagne et 11% du reste du monde… Si le premier pôle touristique européen qu’est Disney n’attire que 11% hors Europe… qu’en serait-t-il d’EuropaCity ?
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Quand on voit les ruines de Mirapolis, dont le site est une friche industrielle depuis 25 ans… on s’interroge sur le gaspillage des fonds publics, et sur les choix hasardeux du Conseil Général du Val d’Oise qui a farouchement soutenu le projet, tout comme il soutient aveuglément EuropaCity.