EUROPACITY, PLU Gonesse, ZAC, Ligne 17Nord, CDG Express : bilan de trois ans de consultations publiques 2016-2018

UNE TENDANCE LOURDE AU REJET DU PROJET D’AMÉNAGEMENT DU TRIANGLE DE GONESSE ET UNE DEMANDE ACCRUE D’ALTERNATIVES

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Le 6 mars 2018 le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise annulait l’arrêté préfectoral de création de la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Triangle de Gonesse, estimant que l’étude d’impact environnemental était insuffisante (qualité de l’air, émissions de CO2, mais aussi couverture des besoins énergétiques).

Coïncidence du calendrier, deux semaines plus tôt, le 21 février 2018, était clôturée l’enquête publique concernant la Déclaration d’Utilité Publique pour le projet d’aménagement de cette même ZAC. Indépendamment des procédures juridiques et de leur résultat, il convient de rappeler le bilan des consultations publiques successives depuis trois ans.

UN REJET DU PROJET DE PLUS EN PLUS MASSIF

Juin-juillet 2016 se déroulait le Débat Public sur EuropaCity. Alors qu’il était considéré comme une simple formalité pour les organisateurs, avec une issue qui semblait une évidence, à savoir que le projet se ferait, avec tout au plus quelques aménagements sommaires bien mis en valeur par une communication adaptée, il leur a fallu au fur et à mesure des réunions et des contributions prendre la mesure des oppositions et de la qualité des propositions de projets alternatifs. La présidente du débat a dû imposer au promoteur de ne plus parler de la réalisation d’EuropaCity qu’au conditionnel…

Déjà apparaissait le décalage entre politiques publiques mettant en avant enjeux environnementaux et préservation du climat, au regard d’un projet d’urbanisation à la fois trop peu dense et artificialisant toujours plus de terres agricoles, au moment où le Grand Paris se trouve déjà être une des zones habitées d’Europe les plus en retard sur les enjeux d’autonomie alimentaire, malgré l’introduction d’un 4ème défi alimentaire dans le Schéma directeur de la Région Île-de-France (SDRIF).

Très tôt aussi ont été réfutés les arguments de l’emploi. Les experts et les associations démontraient que les chiffres étaient gonflés et peu crédibles, les emplois peu adaptés aux compétences et qualifications de la main-d’œuvre locale, à l’appareil de formation, et surtout les élus des départements voisins, qui peinent déjà à faire vivre les centres commerciaux du nord de Paris, y voyaient la certitude de perdre leurs derniers clients et une filière d’activité. Dans un contexte de marché saturé, l’emploi soi-disant créé par EuropaCity consisterait essentiellement en transferts au détriment des activités existantes.

Les résultats chiffrés, bien que n’apparaissant pas dans le rapport officiel, étaient entretenus de manière précise par des contributeurs sur le site du débat. Au final, tous confondus (particuliers, associations, collectivités), ce sont 82% des contributeurs qui se sont déclarés opposés au projet (1).

Mai-juin 2017, un an plus tard, c’est l’enquête publique sur la révision du PLU de Gonesse, destinée à permettre la mise en œuvre d’EuropaCity et plus généralement le projet de ZAC.

Cette fois le résultat fut démonstratif à double titre. En effet non seulement l’enquête confirma les résultats du Débat Public, avec cette fois 83,4 % d’avis défavorables, contre 15,9 % seulement favorables, mais c’est aussi le Commissaire-Enquêteur qui rendit un avis défavorable en conclusion de son rapport.

Le maire de Gonesse, déclarant haut et fort que l’avis de ce dernier n’était que consultatif, se rabattait sur la perspective de la prochaine enquête publique, concernant la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) de la ZAC.

Janvier-février 2018 enfin, se tient l’enquête publique sur la DUP de la ZAC. Le commissaire-enquêteur n’a pas encore restitué son rapport, mais nous avons déjà pu consolider les résultats des avis déposés sur le registre numérique, celui qui comporte la très grande majorité des contributions.

Sur 3 450 avis déposés environ, nous avons pu analyser 3 393 avis enregistrés au dernier soir, quelques heures avant la clôture de la consultation et la disparition des données du site internet de l’enquête.

Sur ce total, après élimination des avis inclassables (neutres, rédaction ambigüe, doublons, simples remarques ou demande de rendez-vous auprès du commissaire enquêteur…), 3 188 avis restaient exploitables.

A nouveau le bilan est sans appel :

  • 2 809 avis défavorables au projet de DUP de la ZAC, soit 88 %
  • 379 avis favorables, soit 12 %

La tendance lourde au rejet de ce projet est confirmée.

QUELQUES ENSEIGNEMENTS SIGNIFICATIFS

Intéressante est l’analyse détaillée des contributions.

Pour les personnes favorables au projet, c’est l’emploi et le développement économique (cité dans 38,4 % des avis favorables) qui sont mis en avant, l’image de ce projet sur leur région (14,9 % des «pour»), mais aussi la perspective de bénéficier enfin de transports en commun plus performants en direction de la capitale (dans 17,7 % des avis positifs). L’accès à la culture et aux loisirs est aussi avancé par 14,2% des contributeurs défendant le projet.

Ces résultats mettent en évidence la situation des habitants de ces communes, qui se sentent fréquemment oubliés, loin de Paris ou des zones de forte activité, et qui pensent voir en EuropaCity le projet susceptible de les sortir de leur relégation.

Côté des opposants, le premier argument cité, à hauteur de 23,4 % des avis, est la disparition des terres agricoles, dans un contexte national où la surface d’un département est bétonnée tous les 7 ans et où la question de l’alimentation est hissée au niveau d’enjeu politique majeur. Ils mettent aussi l’accent (dans 15,6 % des cas) sur l’incohérence des politiques publiques qui, après la tenue de la COP21, favoriseraient l’émergence d’un projet totalement contradictoire avec les objectifs que la France s’est donné en tant que leader de la cause climatique. Plus largement l’impact environnemental (biodiversité, eau, air, pollutions…) est évoqué dans 11,8% des contributions.

Pour autant les opposants au projet n’oublient pas les questions intéressant les résidents.

Ainsi pour les transports (4,7% des expressions, commentaires…), ils reconnaissent la légitimité de transports en commun plus performants sur ce secteur, s’inquiétant à contrario des risques d’afflux de circulation et de pollution engendrés par le projet. Mais ils refusent une dépense publique mise au service d’un projet purement privé dont l’intérêt public est contestable.

Il est notoire que les questions de l’emploi sont citées par 14,2% des contributeurs. Ils mettent en exergue la destruction de nos économies locales, petit commerce et industrie, par une grande distribution toujours plus puissante, organisée pour acheter à l’import à bas prix et accroître sa productivité interne par la mise en œuvre à outrance du libre-service, au détriment de l’emploi même.

En ce qui concerne le projet EuropaCity, ils dénoncent des chiffres de fréquentation fantaisistes (plus du double d’Eurodisney, ou encore l’équivalent de tous les parcs d’attraction français), ou encore l’ambition de faire sur le pôle culturel mieux que Beaubourg, qui possède 100.000 œuvres, alors qu’aucun partenaire culturel n’a déclaré son intérêt pour EuropaCity.

Ils relèvent l’indigence des études sur l’emploi dans le projet : 17 malheureuses pages sur un dossier qui en comporte des centaines, des chiffres non actualisés datant de 2009 pour un projet destiné à voir le jour 20 ans plus tard, des calculs basés sur des ratios macro-économiques nationaux déconnectés des réalités de terrain, des marchés locaux de l’emploi ou des caractéristiques de la main-d’œuvre résidante.

L’objectif réel du projet est mis en question, celui-ci leur apparaissant plus comme une immense opération de spéculation foncière que comme un projet cohérent de développement d’un territoire.

Il est enfin remarquable que le projet CARMA (Coopération pour une Ambition Rurale Métropolitaine et Agricole) est cité comme une alternative crédible par 53% des opposants à EuropaCity. A contrario, on relève dans les contributions nombre de remarques qui montrent que CARMA n’est pas encore bien compris du public. Les personnes favorables à EuropaCity le réduisent à un projet d’agriculture biologique, destiné à un public réduit, certains imaginent même que sur une surface dédiée CARMA pourrait cohabiter avec EuropaCity, sans voir la dimension stratégique de ce projet alternatif tant au plan sociétal, qu’en matière de contribution à l’autonomie alimentaire du Grand Paris, mais aussi comme outil de formation et d’émancipation professionnelle pour les populations résidantes.

 

CONCLUSION :

Ainsi, le temps joue pour les opposants. Plus le temps passe, plus la conscience de l’urgence écologique augmente, plus ce projet apparaît dans sa démesure et son caractère obsolète…. Et plus la nécessité d’alternatives s’affirme.

 

Pour aller plus loin, voir : 

Avril 2016 : Cahier d’acteur du CPTG lors du débat public sur le projet EuropaCity ( 15 mars – 30 juin 2016 )

30 juin 2017 : L’Avis du CPTG sur le PLU de Gonesse remis au Commissaire enquêteur, M. Ronan HEBERT

23 août 2017 : Le rapport  le Commissaire enquêteur défavorable à la révision du PLU de la ville de Gonesse

Octobre 2017 : Le projet CARMA

17 février 2018 : Avis du CPTG concernant la DUP ZAC Triangle de Gonesse

21 mai 2018 : Avis du CPTG concernant la création et l’exploitation de la ligne 17-Nord

10 juillet 2018 : Avis du CPTG concernant un centre d’exploitation des lignes 16 et 17 du Grand Paris Express

20 novembre 2018 : Avis du CPTG sur le projet CDG Express