Au Pavillon de l’Arsenal à Paris, une exposition explore le potentiel agricole de l’Ile-de-France – 19/11/2018

Contre-exemple d’aménagement urbanistique à vocation agricole, selon M. Rosenstiehl, le projet Europacity sur le triangle de Gonesse illustre “tout ce qu’il ne faut pas faire” pour rendre une ville agricole.

Au Pavillon de l’Arsenal à Paris, une exposition plaide pour la reconstruction en Ile-de-France de liens intimes entre l’agriculture et la ville.

Extrait du communiqué de presse annonçant l’exposition :

“La manifestation « Capital agricole – Chantiers pour une ville cultivée » déterre les liens qualitatifs entre production agricole et production urbaine, entre le cultivé et l’habité entre la ville et le sol.
L’urbanisme engagé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, hiérarchisant les rapports entre l’Urbain, la Nature et l’Agriculture, a conduit à l’impasse environnementale actuelle. Il a aussi anéanti l’exceptionnel patrimoine agricole francilien de la fin du XIXe mené par des cultivateurs « spécialistes » inventant d’autres cultures pour nourrir Paris tout en préservant la faune et la flore. C’est sur cette agriculture urbaine oubliée et réhabilitée dans l’exposition, que se fondent aujourd’hui les architectes, urbanistes, agriculteurs, écologues, ingénieurs, entrepreneurs, historiens, géographes, sociologues…, réunis autour de l’agence d’architecture SOA, Augustin Rosenstiehl, pour envisager de nouveaux modèles hybrides.”

Augustin Rosenstiehl, architecte et commissaire de l’exposition CAPITAL AGRICOLE soutenue par la Ville de Paris, dirige un laboratoire de recherche sur l’agriculture depuis 10 ans :

“… Seulement 1,5% des fruits consommés par les Franciliens proviennent de la région, et moins de 10% des légumes … Nous sommes convaincus que l’agriculture urbaine peut participer à la nourriture de l’Ile-de-France, à condition qu’il y ait un soutien public pour soutenir sa créativité et accompagner l’excellence, comme cela fut le cas au début du siècle, via les dépôts de brevet, ouvertures d’écoles (Grignon, Versailles, Rambouillet…) et les lancements de formations d’une élite horticole”, assure-t-il.

L’architecte critique particulièrement la “nature-décor” inventée par l’urbanisme des années 50-60, une “illusion” selon lui.

“L’exposition montre qu’en Ile-de-France, la ville moderne a créé deux fois plus de nature qu’il n’y en avait en 1900, avec ses jardins individuels, pavillons, parcs de loisirs et pelouses autour des grands ensembles”, mais cette nature ne crée aucune biodiversité, dit M. Rosenstiehl.

Ainsi en 1900, 17% des emprises au sol en Ile-de-France étaient constituées de “nature” (bois, forêts, marécages, etc.), selon la carte militaire de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU). En 2012, ce chiffre monte à “33% des emprises”, démontre le commissaire de l’exposition. “Le drame c’est qu’au passage, on a supprimé l’agriculture urbaine qui a prouvé sa capacité à nourrir et à nicher la biodiversité”, constate-t-il en citant “les fosses à cresson de Stains ou les murs à pêches de Bagnolet”.

“Il ne s’agit pas de refaire la même chose, mais de régulariser ce qui est en train de se passer”, plaide-t-il en évoquant une expérience d’élevage urbain en Seine-Saint-Denis “freinée” par les lois d’urbanisme françaises délimitant férocement les terrains en A (agricoles), U (urbains), ou N (nature), et empêchant la mixité. …

Contre-exemple d’aménagement urbanistique à vocation agricole, selon M. Rosenstiehl, le projet Europacity sur le triangle de Gonesse, entre Paris et Roissy, illustre “tout ce qu’il ne faut pas faire” pour rendre une ville agricole.

“Ce projet prévoit un aménagement très horizontal et très consommateur de terres, or il faut des centaines d’années pour reconstituer des sols agricoles”, souligne-t-il, en appelant à repenser une véritable “programmation urbaine” de l’aménagement agricole.

Découvrez ICI l’intégralité de l’interview donné à l’AFP et publié par Sciences et Avenir le 14 novembre 2018.

Expo Capital Agricole
Jusqu’au 27 janvier 2019
Pavillon de l’Arsenal 21 boulevard Morland 75004
Du mardi au dimanche de 11h à 19h
Visites guidées gratuites tous les samedis et dimanches à 15h

 

AVANT PROPOS

ANNE HIDALGO  –  Maire de Paris – Extraits

“… Notre planète fait face à un défi écologique et alimentaire majeur. Prenant enfin conscience que les ressources de la Terre sont limitées et que le changement climatique fait peser sur notre avenir un grand danger, nous interrogeons nos façons de produire et de consommer. Nous avons une responsabilité civique et politique : celle de tout faire pour léguer aux générations futures un monde respectueux du vivant et de son environnement.

Dans ce monde en évolution, l’opposition entre ville(s) et campagne(s) n’apparaît plus appropriée, tant elle induit de déséquilibres entre les territoires. Il nous faut décloisonner les espaces, rendre les frontières plus poreuses, accroître les échanges entre urbains et ruraux. La préservation des terres agricoles, notamment en lisière des villes, ainsi que la compréhension des enjeux de l’agriculture sont essentiels pour le devenir de la planète et de ses habitants.

Au-delà, nous devons repenser la métropole parisienne dans son ensemble afin d’en faire un espace plus intelligent : un espace où peut s’épanouir la biodiversité, où urbains et ruraux s’enrichissent mutuellement grâce à de nouveaux échanges marchands et non marchands. Les circuits courts, la production d’énergies renouvelables, le développement des agro-matériaux, des biodéchets ou l’arboriculture sont des gisements d’emplois colossaux, des passerelles entre territoires et des manières de lutter contre la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Devançant souvent les décisions politiques, de nombreuses solutions alternatives émergent chez les agriculteurs, dans la société civile. Elles visent à redonner de l’équilibre, du sens et des racines – diversification des productions, transformation des produits, réduction traitements phytosanitaires, Amap, agriculture urbaine, jardins partagés en ville…

Notre responsabilité est d’encourager ces initiatives et de faciliter leur mise en œuvre à grande échelle, afin de renouer avec une alimentation durable, de favoriser la proximité, la diversité et les pratiques respectueuses de l’environnement, de la santé des consommateurs et des producteurs ….”

Un tel Avant-Propos, au dossier de presse et à l’album de l’exposition, réjouira les promoteurs du projet CARMA. Il redonne au CPTG et à tous les opposants au projet EuropaCity l’espoir de voir enfin la Mairie de Paris s’engager dans la défense des terres agricoles qui entourent la capitale et mettre fin à son soutien au projet EuropaCity et à ses opérations publicitaires dans la capitale comme le 2 août dernier avec le bien mal nommé carnaval “Happy Vallee” (Lire notre article du 2 juin 2018 : ICI ).

Pour aller plus loin :

Avant Propos complet de la Maire de Paris ICI

Le dossier de presse donne une bonne idée de l’exposition : http://www.pavillon-arsenal.com/fr/expositions/10992-capital-agricole.html