Document présenté par le Collectif pour le Triangle de Gonesse dans le cadre de la concertation portant sur la nouvelle branche du RER D.
1. On prétend améliorer l’accès aux pôles d’emplois pour les populations de l’est du Val d’Oise. Ce n’est pas exact.
Cet objectif premier du projet n’est pas démontré par les données actuelles. Parmi les pôles d’emplois cités au cours de la concertation, la plate-forme aéroportuaire est indiscutablement le pôle principal. Paris Nord 2 et le Parc des expositions sont des pôles secondaires. Les données du DOCP disponibles sur le site de la concertation portant sur le nombre de salariés travaillant sur la plate-forme de Roissy par ville de résidence et le nombre d’actifs donné par l’INSEE nous permettent d’établir le tableau ci-dessous.
Communes | Nombre d’actifs INSEE 2008 (1) |
Nombre d’actifs travaillant à Roissy DOCP | Pourcentage d’actifs |
Observations |
Aulnay-sous-Bois | 37 941 | 2 149 | 5,7% | Desservi RER B |
Gonesse | 12 847 | 852 | 6,6% | Desservi RER D |
Goussainville | 14 142 | 1 341 | 9,5% | Desservi RER D |
Sevran | 23 642 | 1 525 | 6,3% | Desservi RER B |
Sarcelles | 26 536 | 902 | 3,4% | Desservi RER D et ligne H |
Villepinte | 17 458 | 1 615 | 9,3% | Desservi RER B |
Villiers-le-Bel | 12 379 | 769 | 6,2% | Desservi RER D |
(1) Tableau EMP T2 : Chiffre sous-estimé, puisqu’il ne prend en compte que les actifs de 15 à 64 ans inclus et les chômeurs de 2008.
Des villes comme Aulnay, Villepinte et Sevran sont sur le RER B, de ce fait reliées directement à Roissy, les pourcentages ne sont pas meilleurs que pour Goussainville, Gonesse et Villiers-le-Bel situées sur le RER D non relié directement à Roissy par train. Contrairement à ce qui a toujours été affirmé, l’absence de liaison ferrée directe avec Roissy pour les communes de l’est du Val d’Oise, n’a pas d’effet significatif sur le taux d’accès aux emplois de Roissy comparé aux communes du 93 directement reliées par le RER B.
Nos pourcentages ne sont pas ceux du cahier d’acteur du Conseil Général du Val d’Oise, dont la carte de la page 3 indique que plus de 13% des actifs de Goussainville travaillent à Roissy, parce que dans les actifs nous comptons aussi les chômeurs. C’est pour eux qu’on prétend qu’il faut réaliser le barreau de Gonesse.
Le conseil général du Val d’Oise en excluant les chômeurs ne fait pas seulement une erreur statistique, mais une faute politique.
2. On prétend que si les populations de l’Est du Val d’Oise étaient mieux desservies par les transports en commun vers Roissy, cela ferait baisser le taux de chômage
Cette vision mécaniste qui attribue au manque de transports en commun l’impossibilité d’accéder aux emplois de Roissy nie l’existence d’une inadéquation structurelle du pôle avec son environnement. Croire qu’il suffit de la présence d’emplois pour faire baisser le chômage est là aussi trop simpliste. Il suffit de comparer la situation de deux communes de la Plaine de France de taille similaire : Gonesse qui a plus d’emplois que d’actifs (14 308 contre 12847 en 2008 – source INSEE) et pourtant un taux de chômage de 15,4% (source : cahier d’acteur du conseil général 95) Goussainville qui est le type même de la « commune-dortoir » (7922 emplois et 14 142 actifs et un taux de chômage à peine supérieur de 16, 6%.
Une commune peut cumuler taux d’emploi élevé et chômage élevé.
3. On projette de créer une nouvelle gare au coeur d’un territoire en développement. Quel développement ?
Cet objectif d’urbanisation de l’espace agricole du Triangle de Gonesse est bien postérieur à l’idée du barreau ferré entre les lignes de RER D et B.
Il n’est pas souhaité par la population qui a massivement signé la pétition proposée dès la création du Collectif pour le maintien de l’espace agricole. Cet espace agricole de par la qualité de son sol doit être reconnu comme ressource d’intérêt régional afin de préserver le potentiel nécessaire de production alimentaire francilienne.
Alors que la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement exige de « lutter contre la régression des surfaces agricoles et naturelles, de lutter contre l’étalement urbain et la déperdition d’énergie, d’assurer une gestion économe des ressources et de l’espace…. », nous assistons à une accélération, jamais atteinte, de la consommation des terres agricoles en Ile de France : 2 000 hectares chaque année pendant la période 2007-2010 selon Guy Vasseur, président national des chambres d’agriculture, contre 1 300 hectares par an pendant la période 2003-2007.
Dans le cas du projet, ce ne sont pas les 40 hectares d’emprise qui sont en cause, mais les 300 hectares du projet de centre commercial et de loisir Europa City du groupe Auchan avec tout ce que les promoteurs espèrent attirer autour. Ensuite ce seraient les 400 hectares restants en limite de la future gare, une réserve foncière improprement appelée « Carré vert » dans le projet actuel d’urbanisation du Triangle de Gonesse.
De plus au nord de Gonesse, la nouvelle branche du RER D traverserait un vaste espace agricole de plusieurs centaines d’hectares qui serait coupé en deux. Déjà le conseil général du Val d’Oise nous a annoncé à la réunion publique de Villepinte son intention de doubler la voie ferrée dans cette partie hors du Triangle de Gonesse, par une nouvelle route en Plaine de France.
En plus de contribuer au gonflement de la bulle de l’immobilier commercial, le barreau ferré avec la nouvelle gare du Grand Paris en plein champs, favorise l’expropriation d’un bien commun en faveur des intérêts privés du groupe Auchan. Ce n’est pas l’agenda 21 dont les promoteurs veulent doter le projet Europa City, avec sa piste de ski sous bulle, qui le rendra vertueux.
De façon plus générale, Auchan prévoit de 15 à 40 millions de visiteurs à Europa City dont 50% viendraient en transports en commun. C’est aussi à eux qu’est destiné le barreau ferré avec la gare sur le Triangle de Gonesse. Il n’est pas destiné aux quelques milliers d’actifs travaillant à Roissy qui ne sont même pas sûr de pouvoir l’utiliser à cause de leurs horaires décalés.
Cet investissement de 320 millions d’euros fait partie du prix à payer par les habitants et les entreprises de l’Ile-de-France pour aider Auchan à s’installer et prospérer sur le Triangle de Gonesse.
4. On veut offrir une alternative au RER B pour l’accès au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte. C’est vrai, mais pour qui ?
Voilà bien le seul et unique service qui serait rendu par la réalisation du projet. Mais ceci est utile pour les visiteurs du Parc des expositions (PIEX) et non, pour les salariés travaillant plus à Roissy qu’à Villepinte, et en horaire décalé, incompatible avec un transport en commun interrompu de minuit à 5 heures. Cet intérêt pour l’accueil des visiteurs a été confirmé par le directeur du PIEX lors de la réunion de Villepinte.
D’autre part l’extension du Parc des expositions de Villepinte n’est que la partie émergée de l’iceberg d’une vaste « opération-tiroir » immobilière, portée par les fonds de pension Unibail. Celle-ci consiste à récupérer les terrains du parc d’expositions de Paris – porte de Versailles avec une énorme opération immobilière dont la « tour triangle » qui viendra encore renforcer les surfaces de bureaux excédentaires dans Paris 15ème et à déménager les activités de Paris à Villepinte dans l’extension prévue du Parc des Expositions. Ce transfert est très consommateur d’espaces, déménage des emplois permanents et créé des emplois temporaires le temps d’une exposition.
5. Ce dont les habitants ont besoin, c’est d’améliorer le RER D.
En raison de son domaine étroit d’activité, le pôle de Roissy a une aire géographique de recrutement régionale et même interrégionale vers la Picardie. Même si on peut le regretter, les habitants des communes proches ne bénéficient que faiblement des emplois de l’aéroport. Les habitants du bassin de Val de France ne partent pas travailler vers l’est ou vers le nord, mais très majoritairement vers le sud, vers Saint Denis, Saint Ouen, Aubervilliers, Paris, la boucle de Gennevilliers, voire même la Défense.
Nous relevons qu’au cours de la concertation nous n’avons pas entendu un seul futur usager du barreau de Gonesse. Par contre nous avons entendu des usagers demander l’amélioration urgente du fonctionnement du RER D et s’interroger sur les risques de dégradation du service que pourrait provoquer la nouvelle branche. C’est bien de l’amélioration du RER D dont la majorité des habitants du territoire a besoin. La nouvelle branche, même si elle ne sature pas les rames, (les visiteurs du PIEX étant à contre sens), aura au moins pour effet de complexifier la bonne gestion du RER D au détriment de ses usagers.
Les usagers du RER D ont tout lieu d’être inquiets. Le Monde daté du 11 novembre 2011, rappelle qu’en début d’année, Guillaume Pépy, président de la SNCF livrait au quotidien un constat accablant sur le RER D : « il y a environ 5% d’augmentation chaque année, soit 25 000 personnes. Pour ne pas détériorer la qualité du service, il faudrait 25 trains supplémentaires. Combien en met-on ? Zéro, parce que la ligne est déjà saturée ». Les nombreux projets d’urbanisation le long du RER D de Sarcelles, à Louvres et au-delà, aggraveraient encore la situation.
6. Ce dont les habitants ont besoin, c’est d’améliorer les transports bus de proximité pour tout déplacement.
Nous déplorons l’absence d’étude sur les transports bus existants sur le territoire du projet. Cette étude sous la responsabilité du STIF est en cours. Disponible en juin 2012, il sera nécessaire de la mettre à disposition des acteurs de cette concertation.
Sans risque de nous tromper nous pouvons affirmer que le territoire du projet compte un nombre significatif de foyers ne disposant pas d’une voiture et que ce nombre ira en augmentant avec la hausse des produits pétroliers. Les déplacements domicile travail ne représentent qu’une partie des besoins de déplacement, mais aux horaires les plus contraints et pour les trajets les plus longs. L’amélioration de l’offre de transport en commun bus est une alternative au projet de barreau ferré certainement moins coûteuse et plus efficace. Elle mérite d’être étudiée.
7. Ce dont les habitants ont encore plus besoin, c’est de réduire la galère des transports en travaillant davantage sur place. Le meilleur transport est celui qu’on évite.
Ce dont ont besoin les habitants, ce sont des emplois de proximité dans des centres-villes, au pied des logements et non perdus dans les champs. Des emplois où l’on puisse aller à pied, à vélo ou en bus. Des emplois dans le petit commerce, dans l’artisanat, dans les PME, dans les services de proximité et les services publics, qui ont une densité d’emplois à l’hectare bien supérieure au projet de Dôme de Sarcelles, qui coûtent beaucoup moins cher que tous ces projets pharaoniques portés par des grands groupes financiers : Immochan ou fonds de pension Unibail qui porte l’extension du parc d’exposition de Villepinte. Un milliard cinq cents millions d’euros pour le projet Europa City pour 10 000 emplois ? Cette hypothèse d’emplois est certainement surestimée. 150 000 euros par emploi, soit 4 fois plus cher que des emplois dans le tissu urbain. Un petit commerce installé à Sarcelles ou à Gonesse embaucherait des habitants sur place. On peut imaginer un cercle vertueux : moins de déplacements, moins de communes dortoirs, plus de possibilités de faire vivre des emplois de proximité.
8. Sur la concertation elle-même :
Si l’on se réfère à la concertation organisée par le STIF quelques mois plus tôt sur le BHNS préfiguration du barreau ferré, la présence d’un garant nommé par la CNDP a indiscutablement amélioré la qualité de la concertation (site internet avec des documents accessibles, verbatim des réunions…). Cependant nous pensons que le DOCP ne pouvait tenir lieu de dossier du maître d’ouvrage (caractère incomplet sur le contexte du projet et inexactitudes comme par exemple sur les gains de temps en direction de Roissy des usagers de la ligne H qui en aucun cas n’emprunteraient le barreau de Gonesse, mais utiliseront la tangentielle nord ou la liaison bus Cercy Roissy).
Surtout, nous déplorons l’absence d’étude sur les transports bus existants sur le territoire du projet. Cette absence est préjudiciable à la qualité de la concertation, organisée précipitamment en l’absence du retour d’expérience du BHNS.
Nous demandons une étude du coût et de la rentabilité socio économique des deux solutions selon la méthode de l’évaluation des projets d’infrastructure de transport :
– Amélioration de l’existant : lignes régulières à améliorer (horaires et week-end) ou à créer et transport à la demande 24h/24 et 7j/7 type Filéo. Liaison bus pouvant évoluer vers un BHNS, un Tzen ou un tram sur la D370 entre les deux bassins de vie que sont Villiers le Bel-Arnouville-Gonesse et Aulnay nord (future gare Aulnay Europe).
– Infrastructure lourde de la nouvelle branche du RER D : cette étude est absente du DOCP qui ne pouvait tenir lieu de dossier du maître d’ouvrage pour la concertation.