Conférence-débat organisée par le CPTG le 23 mai 2016 à Paris – Bourse du travail

Le 23 mai 2016, le Collectif pour le Triangle de Gonesse organisait une conférence-débat à la bourse du travail, à Paris.

En présence de Pascal Durand – député européen, Aurélie Trouvé – agroéconomiste et membre du conseil scientifique d’Attac et de Patrick Viveret – économiste et philosophe, Benoît Martin – membre de l’Union Départementale CGT de Paris, 150 personnes se sont réunies.

En photos

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En vidéo

En enregistrement sonore

Ecouter l’intégralité de la conférence grâce à la participation de la radio associative Libre à toi qui a assuré le live et l’enregistrement de la conférence-débat.

Et en écrit !

Après un exposé des intervenants, Patrick Viveret a proposé un travail de réflexion sur les imaginaires de territoire en petits groupes. En seulement 15 minutes d’échanges, les participants, se sont questionnés sur la prise qu’a le discours EuropaCity sur les habitants et sur la feuille de route qui pourrait être dressée pour un projet alternatif.

Pourquoi le discours d’EuropaCity fonctionne en partie ?

Si les gens veulent croire aux discours d’EuropaCity, c’est parce qu’ils sont délaissés. Pour eux, ce qui compte en premier ce n’est pas l’emploi, mais c’est restaurer la fierté du territoire.

La fierté du territoire, cela veut dire qu’on accueillerait 31 millions de personnes qui viennent d’ailleurs. C’est le modèle du grand stade de Saint-Denis, qui pour certains a apporté du développement alors que pour d’autres, qui ont vécu sur le terrain, disent que ça n’a pas apporté d’emploi local, à part quelques activités de services. Il suffit de se rendre aux stations de RER, les gens viennent travailler d’ailleurs, croisant les habitants qui partent bosser à l’extérieur.

Les gens s’intéressent surtout à leur vie quotidienne, c’est-à-dire aux transports pour mieux accéder aux emplois potentiels qui se trouveraient sur la zone du Grand Paris.

Ce sont souvent les élus qui vendent de l’imaginaire, ils vendent du mensonge, ils prétendent vendent que le chantier va créer des emplois.

La piste de ski choque les écologistes mais en même temps d’un certain point de vue, ce serait moins cher, cela ferait moins de transports et cela démocratiserait ce sport. Cela questionne sur le type de loisirs auxquels rêvent les personnes qui vivent autour de cette zone.

La ferme urbaine est le deuxième point, après la piste de ski, le plus loufoque. On voit mal un champion de la grande distribution s’y intéresser et faire le contraire de ce qu’il fait d’habitude vis-à-vis de l’agriculture et des agriculteurs. Le groupe Auchan a une carence d’image face à ses concurrents, dans sa relation aux producteurs bios. Cela pourrait le conduire à abandonner le projet ?

Il y a un problème d’éducation, d’absence de nature. La conséquence c’est que les seules choses proposées sont autour de la consommation, des attractions.

EuropaCity est un miroir aux alouettes, une boite lumineuse qui attire et qui fascine, mais qui peut se transformer en enfer si la porte est ouverte.

S’ils font ça, c’est qu’ils veulent en tirer du profit à terme. Il faut s’interroger sur le comment ?

 

Comment l’Etablissement Public d’Aménagement en est arrivé à soutenir EuropaCity ?

L’idée qui avait précédé EuropaCity était un technopôle métropolitain avec de nouvelles formes de travail, avec des gens, des chercheurs ou des universitaires, qui viendraient de plusieurs pays du monde, travailler sur une petite parcelle du Triangle de Gonesse. L’établissement Public d’Aménagement de Plaine de France n’a pas réussi à réaliser ce projet de technopôle métropolitain qui aurait concerné un territoire allant de Tremblay jusqu’à Sarcelles. EuropaCity s’est greffé sur l’échec de ce premier projet.

Dès 2010, s’est mis en place un comité de pilotage EuropaCity, composé uniquement par des villes, quelques acteurs économiques et l’Etat. Dès le début, ce projet n’a pas été partagé avec les acteurs associatifs, sociaux, économiques et les syndicats du territoire. Au final, le projet proposé apparaît déconnecté du territoire.

 

Eléments de méthode pour construire un projet alternatif

Il faudrait repérer les forces vives du territoire et reprendre avec eux la construction d’un projet qui leur parle et les fasse rêver.  Ce projet serait plus modeste, il pourrait inclure des espaces de loisirs, offrir des potentialités locales, plutôt que de perpétuer une novlangue qu’EuropaCity s’est appropriée et a capté à son profit.

L’image proposée par EuropaCity est un agrégat de projets qui a priori font envie à certaines personnes par leur force symbolique, d’autant plus dans un secteur avec des habitants qui ne sont pas habitués à ce que l’on parle d’eux positivement. Est-ce que l’image des terres agricoles est assez forte pour rivaliser avec ? Il faut aller plus loin, ne pas chercher à figer les choses. Il faut avoir un grand projet alternatif écologique, qui remette la nature au cœur de la Ville, et qui conviennent aux habitants, impliquant les citoyens, les écoles d’architectures, les écoles paysagistes, les gens de nuit debout, toutes les bonnes volontés.

 

Premières pistes pour un projet alternatif

Plutôt que d’avoir un Grand Projet Inutile et Imposé, proposons un Projet Utile et Désirable.

Préserver les terres agricoles est une priorité, mais cela ne suffit pas. Il faudrait faire un très grand jardin (TGJ) bio, le plus grand jardin maraicher aux portes des Paris, ou des jardins ouvriers, une vraie ferme sur le Triangle de Gonesse.

Est évoqué notamment l’idée de créer un autre type de ferme urbaine, écologiste, avec l’aide des paysans, agriculteurs, éleveurs du coin, la fédération des AMAP en rassemblant les forces présentes en Ile de France. Les moutons pourraient déambuler et parfois traverser Gonesse pour amener les gens sur le terrain pour découvrir cette nouvelle ferme urbaine.

La faisabilité au regard de la proximité des autoroutes et des agriculteurs qui ont déjà commencé à quitter le territoire doit être étudiée. Il faudrait installer des jeunes en formation. Au-delà de l’agriculture, il pourrait y avoir un centre de congrès international, proche des aéroports, mais ce n’est pas du tout nécessaire d’artificialiser l’ensemble de la zone pour un tel projet.  L’artificialisation est un choix, l’argent public qui y est mis, pourrait être utilisé pour autre chose. Par exemple, le golf du Nord du Triangle a coûté 240 millions d’Euros à la commune de Roissy. Est-ce qu’à la place, il ne serait pas possible d’acheter des terres pour installer des jeunes du territoire, avec des emplois locaux et avoir des produits pour alimenter les cantines des établissements publics, des lycées, des collèges qui ont une forte demande, et ne trouvent pas d’agriculteur bio à proximité.

 

Conclusion de Patrick Viveret

Même quand un récit est mensonger, s’il y a un désir de croyances, c’est justement par soif de trouver une histoire qui fait sens. Ce que le système dominant n’offre en aucune façon. Cela renvoie à tous les récits mensongers possibles. C’est pour les mêmes raisons que le nazisme a pu s’implanter, qu’en Autriche le candidat d’extrême droite a, fort heureusement, été battu de peu et qu’en France le Front National n’utilise plus le sentiment d’insécurité. Pourquoi des personnes, qui sont des victimes, ont envie d’y croire. C’est important du point de vue du diagnostic. C’est le sentiment d’abandon qui apparaît comme la première raison du vote.

Il faut avancer vers une stratégie dynamique et positive, elle-même porteuse de récit. Il faudrait organiser de vastes brainstormings sur le contre-projet. On retrouve ce que les états généraux de l’économie sociale et solidaire avaient appelé le « trépied du rêve ». Le rapport entre le R de la Résistance créatrice, le V de la Vision transformatrice qui développe l’imaginaire et le E de l’Expérimentation anticipatrice.

 

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